17 janvier 2013

Une complémentaire pour tous en 2016

Syndicats et patronat sont parvenus le 11 janvier dernier à un projet d’accord sur la sécurisation des emplois, qui prévoit que toutes les entreprises devront proposer une complémentaire santé à leurs salariés d’ici à trois ans.
En 5 questions, voyons le contenu de cette mesure que l'on nous présente comme une avancée sociale.


Combien de personnes seront concernées ?
Cet accord devrait impacter entre 3.5 millions et 4 millions d'employés qui ne bénéficient pas encore d'une complémentaire santé. Cette couverture sera prise en charge à 50/50 par les entreprises et le salarié. Il protégera l’employé mais pas sa famille, sauf négociations plus favorables.

A quelle date ?
La mise en place de ces contrats devra être finalisée au plus tard le 1er janvier 2016 et les négociations avec les prestataires se feront au niveau des branches professionnelles.

Quelles garanties santé proposées ?
En cas d’accord de branche ou d’entreprise, il reviendra aux partenaires sociaux de fixer les garanties prises en charge et les modes de financement des cotisations. En l’absence d’accords de branches, ce sont les entreprises qui devront négocier pour proposer à leurs salariés un panier de soins qui couvrira, à minima, 100 % de la base de remboursement Sécurité Sociale pour les consultations, les examens et les médicaments, le forfait journalier hospitalier, 125 % de la base de remboursement des prothèses dentaires et un forfait optique de 100 € / an.

Portabilité des garanties ou pas?
Les salariés qui quitteront leur entreprise (retraite, chômage) pourront conserver le bénéfice de leur contrat pendant un an au lieu de neuf mois jusqu’alors. Les partenaires sociaux veulent généraliser la mutualisation du financement de la portabilité, au niveau de la branche et des entreprises, et laissent à ces dernières un délai d’un an pour mettre en place un tel dispositif concernant la santé et une période de deux ans en matière de prévoyance.

Les exonérations sociales des contrats collectifs sont-elles préservées ?
Le projet d’accord stipulait initialement que la généralisation de la couverture santé était conditionnée au maintien des exonérations de charges accordées aux contrats collectifs. Cette disposition est peut-être à mettre en lien avec le fait que le gouvernement envisagerait « d’exclure les cadres de l’assiette ». Mais finalement, les partenaires sociaux ont adopté une formulation moins « agressive » en demandant au gouvernement d’être préalablement consultés en cas d’évolution des conditions d’exonérations.

Décryptage et analyse
Si ce dispositif représente un progrès en terme d’accès aux soins pour de nombreux français, il risque d’accroître encore les inégalités entre ceux qui ont un pied dans l’emploi et les autres (chômeurs, étudiants, retraités...).

Depuis leur mise en place, les contrats collectifs de protection complémentaire de santé, qui auraient dû représenter un vrai progrès social en matière d’accès aux soins, ont entrainé un effet pervers : celui de permettre à une partie des français, ceux qui avaient un emploi -et donc les mieux protégés économiquement et socialement- de bénéficier d’une couverture de bon niveau, tandis que l’autre partie de la population, particulièrement fragilisée ne pouvait plus accéder à une mutuelle, alors même que les mesures de déremboursements par la Sécurité Sociale et les dépassements d’honoraires ne cessaient d’augmenter. L’aboutissement de cette logique est un système à deux vitesses dans lequel la protection sociale est liée au contrat de travail et laisse sur le coté des millions de personnes exclues des 4,3 milliards d’euros d’aides publiques à la complémentaire réservées aux contrats collectifs et aux professions libérales.

Pour le moins, c’est la Sécurité Sociale qui doit garantir la solidarité et l’universalité du système et l’amélioration réelle de la couverture des salariés et de l’ensemble des Français ne peut s’envisager qu’en renforçant le régime obligatoire de Sécurité Sociale. Dans cette perspective, la réforme du financement de l’Assurance Maladie annoncée par le gouvernement pour cette année en constitue une étape majeure.

En conclusion, on peut craindre que la généralisation de la complémentaire santé chez les salariés se révèle « une avancée illusoire pour l’accès aux soins ». En effet, ce projet d’accord conclu par les partenaires sociaux « pourra servir de prétexte à entériner le retrait de l’Assurance Maladie », propose une couverture « notoirement insuffisante » et conduit à une discrimination envers une partie de la population : quid des étudiants, des retraités, des professions indépendantes, des personnes sans emploi… qui resteront confrontés aux difficultés d’accès aux contrats individuels de complémentaire santé ? .
C'est donc un système à deux vitesses qui se prépare, alors qu'il aurait fallut de la cohérence sociale et rendre les contrats individuels plus accessibles au plus grand nombre.

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